15 juin 1906 – 31 mars 1994


Le musellement des vaincus

A nous, rescapés en 1945 du front de l’Est, déchirés par les blessures, accablés par les deuils, rongés par les peines, quels droits nous reste-t-il encore ? Nous sommes des morts. Des morts avec des jambes, des bras, un souffle, mais des morts.

Prononcer un mot en public, ou écrire dix lignes lorsqu’on a combattu, arme au poing, contre les Soviets, et, surtout, lorsqu’on a été un chef dit « fasciste », est considéré sur-le-champ, du côté « démocratique », comme une sorte de provocation.

A un bandit de droit commun, il est possible de s’expliquer. Il a tué son père ? Sa mère ? Des banquiers ? Des voisins ? Il a récidivé ? Vingt journaux internationaux ouvriront leur colonnes à ses Mémoires, publieront sous des titres ronflants le récit de ses crimes, agrémenté de mille détails hauts en couleur, qu’il s’agisse de Cheisman ou de dix de ses émules.

Les descriptions cliniques d’un vulgaire assassin vaudront les tirages et les millions d’un best-seller à son analyste pointilleux, l’Américain Truman Capote.

D’autres tueurs publics comme les Bonnie et Clyde connaîtront la gloire des cinémas et dicteront même la mode dans les drugstores les plus huppés.

Quant aux condamnés politiques, ça dépend. C’est la couleur de leur parti qui commandera leur justification ou leur exécration.

Un Campesino, paysan rustaud devenu chef de bande du Frente Popular, et que les scrupules n’étouffaient guère lorsqu’il s’agissait de faucher les rangs des Nationaux, a pu, en Espagne même, et à des centaines de milliers d’exemplaires, dans le journal au tirage le plus élevé de Madrid, expliquer, largement et librement, ce qu’avait été son aventure sanglante d’Espagnol de « Gauche ».

Mais voilà, lui était de Gauche.

Alors, lui avait le droit, comme tous les gens de Gauche ont tous les droits.

Quels qu’eussent été les crimes, voire les exterminations massives auxquels les régimes marxistes se soient livrés, nul ne leur fera grise mine, la Droite conservatrice parce qu’elle se pique d’être, assez imbécilement, ouverte au dialogue, la Gauche parce qu’elle couvre toujours ses hommes de main.

Un agitateur révolutionnaire à la Régis Debray pourra compter sur toutes les audiences qu’il voudra ; cent journaux bourgeois reprendront avec éclat ses propos. Le Pape et le général de Gaulle se précipiteront pour le protéger, l’un sous sa tiare, l’autre sous son képi.

Comment, à ce propos, ne pas tracer un parallèle avec Robert Brasillach, le plus grand écrivain de France de la Deuxième Guerre mondiale ? Passionné de son pays, à qui il avait vraiment voué son œuvre et sa vie, il fut, lui, impitoyablement fusillé à Paris, le 6 février 1945, sans qu’un képi quelconque ne s’agitât, si ce n’est pour donner le signal du tir du peloton d’exécution…

De même, l’anarchiste juif, né en Allemagne, nommé Cohn-Bendit, mollement recherché et, bien entendu, jamais retrouvé par la police de Paris alors qu’il avait été tout près d’envoyer la France en l’air, a pu, tant qu’il l’a voulu et comme il l’a voulu, publier ses élucubrations, aussi incendiaires que médiocres, chez les éditeurs capitalistes, empochant, en ricanant, les chèques que ceux-ci lui tendaient pour couvrir ses droits d’auteur !

Les Soviets ont perché leur dictature sur seize millions et demi d’assassinés : évoquer encore le martyre de ceux-ci serait considéré comme nettement incongru.

Khrouchtchev, bateleur vulgaire pour marché aux porcs, pois chiche sur le nez, suintant, vêtu comme un sac de chiffonnier, a parcouru, triomphant, sa mémère au bras, les Etats-Unis d’Amérique, escorté par des ministres, des milliardaires, des danseuses de french-cancan et la fine fleur du clan Kennedy, se payant même, pour finir, un numéro de savates sur tables et de chaussettes humides en pleine session de l’O.N.U.

Kossyguine a offert sa tête de pomme de terre mal cuite aux hommages fleuris de Français toujours bouleversés à l’évocation d’Auschwitz, mais qui ont oublié les milliers d’officiers polonais, leurs alliés de 1940, que l’U.R.S.S. assassina méthodiquement à Katyn.

Staline lui-même, le pire tueur du siècle, le tyran implacable, intégral, faisant massacrer, dans ses fureurs démentes, son peuple, ses collaborateurs, ses chefs militaires, sa famille, reçut un mirobolant sabre d’or du roi le plus conservateur du monde, le roi d’Angleterre, qui ne comprit même pas ce que le choix d’un tel cadeau à un tel criminel avait de macabre et de cocasse !

Mais que nous, les survivants « fascistes » de la Seconde Guerre mondiale, poussions l’impertinence jusqu’à desserrer les dents un seul instant, aussitôt mille « démocrates » se mettent à glapir avec frénésie, épouvantant nos amis eux-mêmes, qui suppliants, nous crient : attention ! attention !

Attention à quoi ?

La cause des Soviets était-elle vénérable à un tel point ? Tout au long d’un quart de siècle, les spectateurs mondiaux ont eu d’éclatantes occasions de se rendre compte de sa malfaisance. La tragédie de la Hongrie, écrasée sous les chars soviétiques, en 1956, en expiation du crime qu’elle avait commis de reprendre goût à la liberté ; la Tchécoslovaquie terrassée, muselée par des centaines de milliers d’envahisseurs communistes, en 1968, parce qu’elle avait eu l’ingénuité de vouloir se dégager un peu du carcan que Moscou lui avait enserré autour du cou, comme à un forçat chinois ; le long soupir des peuples opprimés par l’U.R.S.S., du golfe de Finlande jusqu’aux rivages de la mer Noire, démontrent clairement quelle horreur eût connu l’Europe entière si Staline eût pu – et sans l’héroïsme des soldats du front de l’Est, il l’eût pu – s’abattre dès 1943 jusqu’aux quais de Cherbourg et jusqu’au rocher de Gibraltar.

De l’enfer de Stalingrad (novembre 1942) à l’enfer de Berlin (avril 1945), neuf cents jours s’écoulèrent, neuf cents jours d’épouvante, de lutte chaque fois plus désespérée, dans des souffrances horribles, au prix de la vie de plusieurs milliers de jeunes garçons qui se firent délibérément écraser, broyer, pour essayer de contenir, malgré tout, les armées rouges dévalant de la Volga vers l’ouest de l’Europe.

En 1940, entre l’irruption des Allemands à la frontière française près de Sedan et l’arrivée de ceux-ci à la mer du Nord, il se passa tout juste une semaine. Si les combattants européens du front de l’Est, parmi lesquels se trouvaient un demi-million de volontaires de vingt-huit pays non allemands, avaient détalé avec la même vélocité, s’ils n’avaient pas opposé, pied à pied, au long de trois années de combats atroces, une résistance inhumaine et surhumaine à l’immense marée soviétique, l’Europe eût été perdue, submergée sans rémission dès la fin de 1943, ou au début de 1944, bien avant que le général Eisenhower eût conquis son premier pommier de Normandie.

Un quart de siècle est là qui l’établit. Tous les pays européens que les Soviets ont conquis, l’Esthonie [sic], la Lithuanie [sic], la Lettonie, la Pologne, l’Allemagne orientale, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie sont restés, depuis lors, implacablement, sous leur domination.

Au moindre écart, à Budapest ou à Prague, c’est le « knout » moderne, c’est-à-dire les chars russes fauchant à bout portant les récalcitrants.

Dès juillet 1945, les Occidentaux, qui avaient misé si imprudemment sur Staline, commencèrent à déchanter.

- Nous avons tué le mauvais cochon, murmura Churchill au président Truman, à Potsdam, tandis qu’ils sortaient tous deux d’une entrevue avec Staline, le vrai vainqueur de la Deuxième Guerre mondiale.

Regrets tardifs et pitoyables…

Celui qui leur avait paru précédemment le « bon cochon », installé par eux sur deux continents, grognait de satisfaction, la queue à Vladivostok, le groin fumant à deux cents kilomètres du territoire français.

Le groin est toujours là, depuis un quart de siècle, plus menaçant que jamais, à tel point que nul ne se risque, à l’heure actuelle, à l’affronter, sinon à coups de courbettes.

Au lendemain de l’écrasement de Prague, à l’été de 1968, les Johnson, les de Gaulle, les Kiesinger s’en tinrent à des protestations platoniques, à des regrets craintifs et réservés.

Entre-temps, sous la panse dudit cochon, la moitié de l’Europe étouffe.

Ça ne suffit-il donc pas ?

Est-il juste, est-il décent que ceux qui virent clair à temps, ceux qui jetèrent, de 1941 à 1945, leur jeunesse, les doux liens de leur foyer, leurs forces, leurs intérêts en travers du chemin sanglant des armées soviétiques, continuent à être traités comme des parias jusqu’à leur mort et au-delà même de leur mort ?… Des parias à qui on cloue les lèvres dès qu’ils essayent de dire : « tout de même ».

Tout de même… Nous avions des vies heureuses, des maisons où il faisait bon vivre, des enfants que nous chérissions, des biens qui donnaient de l’aisance à notre existence…

Tout de même… Nous étions jeunes, nous avions des corps vibrants, des corps aimés, nous humions l’air neuf, le printemps, les fleurs, la vie, avec une avidité triomphante…

Tout de même… Nous étions habités par une vocation, tendus vers un idéal…

Tout de même… Il nous a fallu jeter nos vingt ans, nos trente ans et tous nos rêves vers d’horribles souffrances, d’incessantes angoisses, sentir nos corps dévorés par les froids, nos chairs déchirées par les blessures, nos os rompus dans des corps à corps hallucinants.

Nous avons vu hoqueter nos camarades agonisants dans des boues gluantes ou dans les neiges violettes de leur sang.

Nous sommes sortis vivants, tant bien que mal, de ces tueries, hagards d’épouvante, de peine et de tourments.

Un quart de siècle après, alors que nos parents les plus chers sont morts dans des cachots ou ont été assassinés, et que nous-mêmes sommes arrivés, dans nos exils lointains, au bout du rouleau du courage, les « Démocraties », hargneuses, bilieuses, continuent à nous poursuivre d’une haine inextinguible.

Jadis, à Breda, comme on peut le voir encore dans l’inoubliable tableau de Velasquez, au musée du Prado à Madrid, le vainqueur offrait ses bras, sa commisération et son affection au vaincu. Geste humain ! Etre vaincu, quelle souffrance déjà, en soi ! Avoir vu s’effondrer ses plans et ses efforts, rester là, les bras ballants devant un avenir disparu à jamais, dont on devra pourtant regarder le cadre vide, en face de soi, jusqu’au dernier souffle !

Quel châtiment, si l’on avait été coupable !

Quelle douleur injuste, si l’on n’avait rêvé que de triomphes purs !
Léon Degrelle
Alors, on comprend qu’en des temps moins féroces, le vainqueur s’avançait, fraternel, vers le vaincu, accueillait l’immense peine secrète de celui qui, s’il avait sauvé sa vie, venait de perdre tout ce qui donnait à celle-ci un sens et une valeur…

Que signifie encore la vie pour un peintre à qui on a crevé les yeux ? Pour un sculpteur à qui on a arraché les bras ? Que signifie-t-elle pour l’homme politique rompu par le destin, et qui avait porté en lui, avec foi, un idéal brûlant, qui avait possédé la volonté et la force de le transposer dans les faits et dans la vie même de son peuple ?…

Plus jamais il ne se réalisera, plus jamais il ne créera… Pour lui, l’essentiel s’est arrêté. Cet « essentiel », dans la grande tragédie de la Deuxième Guerre mondiale, que fut-il pour nous ? Comment les « fascismes » - qui ont été l’essentiel de nos vies – sont-ils nés ? Comment se sont-ils déployés ? Comment ont-ils sombré ? Et, surtout, après un quart de siècle : de toute cette affaire énorme, quel bilan peut-on dresser ?

Léon Degrelle, (Premier chapitre de Hitler pour mille ans.)


https://fr.metapedia.org/wiki/L%C3%A9on_Degrelle