Une frange négationniste active en Valais

03.03.2019

Selon le rapport 2018 de la Coordination intercommunautaire juive contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), la Suisse romande compte depuis de nombreuses années une frange discrète, mais active, de négationnistes remettant en cause l’Holocauste juif pendant la Seconde guerre mondiale, principalement dans les cantons de Vaud et du Valais.

Secrétaire général de la CICAD, Johanne Gurfinkiel n’est pas en mesure de quantifier cette frange valaisanne. Mais il parle de « quelques dizaines d’activistes en Suisse romande qui colportent des idéologies d’extrême droite, ultranationalistes ou encore complotistes ».

« S’il n’existe pas de groupuscule typiquement valaisan, ces idéologies sont véhiculées dans ce canton, le plus souvent dans le milieu rural et via les réseaux sociaux, par des personnes le plus souvent en quête d’identité ou simplement désœuvrées », indique Johanne Gurfinkiel qui, selon des indications sur les réseaux sociaux, évoque pour certains « une capacité de passer à l’acte violent, ainsi que des entraînements au combat ». Plus généralement, la CICAD parle d’une augmentation de 24 % des actes antisémites en Suisse après trois années de chiffres stables.

La CICAD a enregistré l’an dernier 174 actes de ce type en Suisse romande, dont deux cas d’agression contre des juifs à Neuchâtel et dans un train entre Fribourg et Lausanne.

En Valais, cet organisme cite une conférence donnée en août dans le local du groupuscule Résistance helvétique par Alexandre Gabriac, ancien candidat aux élections cantonales françaises sous l’étiquette du Front national.

Mais surtout, la CICAD se réjouit de la condamnation par le Tribunal de Sierre du révisionniste valaisan René-Louis Berclaz qu’elle avait dénoncé pour discrimination raciale. Ce dernier a écopé, en première instance, de 140 jours-amendes pour avoir mis en doute l’existence des chambres à gaz nazies sur internet.

Contacté mercredi par « Le Nouvelliste », René-Louis Berclaz confirme qu’il a fait appel de ce jugement. L’affaire sera donc rejugée par le Tribunal cantonal. En outre, le prévenu indique qu’il a déposé plainte pour dénonciation calomnieuse contre la CICAD.

Cette dernière cite la condamnation du Valaisan parmi les événements ayant suscité le plus de commentaires antisémites sur les réseaux sociaux en 2018, aux côtés, notamment, de l’inauguration de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem.

https://www.lenouvelliste.ch/article...-valais-823289


Un droit de réponse a été demandé à la rédaction du Nouvelliste. En voici le texte.

Dans un article publié en date du 4 mars 2019 sous le titre « Une frange négationniste active en Valais », il est fait mention d’une procédure pénale me concernant pour laquelle il me paraît utile de porter à la connaissance de vos lecteurs les précisions suivantes.

En effet, mon action politique se fonde sur la libre critique des lois, laquelle constitue un facteur primordial pour le bon fonctionnement de notre démocratie. Or, il se trouve que lors de la 102e session du Comité des Droits de l’homme des Nations Unies, qui s’est tenue à Genève au mois de juillet 2011, le Conseil des Droits de l’homme a adopté une Observation générale (No 34) sur la liberté d’opinion et d’expression.

Cette Observation engage les Etats membres, dont la Suisse fait partie, et qu’elle a ratifié sans réserve. Cette Observation « réaffirme avec force que la liberté d’opinion et d’expression est au cœur de tous les droits de l’homme » et surtout que « les lois sur le devoir de mémoire, pénalisant l’expression d’opinions sur des faits historiques, sont inacceptables » (alinéa 49).

« 49. Les lois qui criminalisent l’expression d’opinions concernant des faits historiques sont incompatibles avec les obligations que le Pacte impose aux Etats parties en ce qui concerne le respect de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression. Le Pacte ne permet pas les interdictions générales de l’expression d’une opinion erronée ou d’une interprétation incorrecte d’événements du passé. Des restrictions ne devraient jamais être imposées à la liberté d’opinion et, en ce qui concerne la liberté d’expression, les restrictions ne devraient pas aller au-delà de ce qui est permis par le paragraphe 3 ou exigé par l’article 20. »

Il est donc parfaitement pertinent pour un citoyen de critiquer une loi, en l’occurrence l’article 261 bis du Code pénal, puisque cette loi est déclarée incompatible avec la Convention européenne des Droits de l’homme par le Comité des Droits de l’homme des Nations Unies en ce qui concerne son alinéa 4. Il faut savoir que l’alinéa 4 de la norme pénale antiraciste autorise de facto une dispense de l’administration des preuves sous couvert « du caractère notoire, incontestable ou indiscutable de l’holocauste qui n’a plus à être prouvé dans le procès pénal. » (Ordonnance pénale du 28 février 2018). Ce qui implique qu’il aurait été prouvé auparavant, sans toutefois qu’il soit fait mention dans la même Ordonnance pénale de référence légale et autre précision de nature historique ou juridique. Il est donc paradoxal d’affirmer qu’il y aurait surabondance de preuves tout en s’abstenant de les produire. C’est donc l’Ordonnance pénale elle-même qui introduit le doute, ce qui, sans haine et sans crainte, mérite le débat. Cette singularité justifie la critique, car elle constitue une violation de notre ordre juridique fondé sur l’administration des preuves et elle s’applique tout particulièrement à l’alinéa 4 de la norme pénale antiraciste qui vise la négation des génocides.

La critique des lois est d’autant plus nécessaire qu’il n’existe pas dans notre pays de Cour constitutionnelle qui serait chargée de vérifier le bien-fondé des lois. Le citoyen qui exerce ses droits civiques n’a pas à être sanctionné à cause d’une carence de notre Etat de droit et un Etat de droit digne de ce nom se doit de répondre par la force de l’argument et non pas par l’argument de la force.

René-Louis BERCLAZ


BOCAGE-INFO - Dépêche No 037/2019