Comment des escrocs de la chambre à gaz furent mis à poil

En 1982, des sommités s’étaient réunies en association pour authentifier scientifiquement la réalité des fameuses chambres à gaz homicides du Troisième Reich. Trente-trois ans plus tard, feu Morvan Duhamel avait voulu prendre connaissance des travaux et des résultats obtenus par ce groupe d’experts… Dans l’édition d’avril 2016 des Écrits de Paris, il nous relatait avec ironie son enquête et sa découverte fracassante ! Merci à Ultor.

L’ASSAG, une association prometteuse restée stérile

En 2015, après de longues recherches sur les chambres à gaz d’exécution dans les camps de concentration allemands pendant la guerre, je n’avais pu trouver la moindre preuve, le moindre témoignage crédible de l’existence de ce procédé d’exécution massive. Je fis de ces recherches jusqu’ici infructueuses la matière d’un chapitre de mon livre Supplément aux Entretiens de Georges Albertini.

Puis j’eus connaissance d’une association dont les travaux ne pouvaient manquer de m’éclairer : elle aussi visait la recherche de preuves de l’existence desdites chambres à gaz, et elle disposait de plus grandes capacités d’investigation que moi, en particulier de la collaboration de chercheurs réputés qualifiés.

Le 21 avril 1982, avait en effet été déclarée à la Préfecture de Police de Paris la formation d’une « Association pour l’étude des assassinats par gaz sous le régime national-socialiste (ASSAG) ». Celle-ci avait pour objet, était-il précisé, de « rechercher et contrôler les éléments apportant la preuve de l’utilisation de gaz toxiques par les responsables du régime national-socialiste en Europe pour tuer des personnes de différentes nationalités ; contribuer à la publication de ces éléments de preuve… ».

Au conseil d’administration, siégeaient d’éminentes personnalités, notamment Geneviève Anthonioz-De Gaulle (1920-2002), résistante déportée à Ravensbrück et nièce du Général, très appréciée au Conseil économique et social où je l’avais côtoyée, ainsi que Germaine Tillion (1920-2008), également résistante déportée à Ravensbrück. Toutes deux avaient publié des souvenirs très détaillés sur leur déportation : La Traversée de la nuit (Seuil 1998) pour la première et Ravensbrück (Seuil 1973 et 1988) pour la seconde. La première n’y disait mot des chambres à gaz, comme si aucune n’avait existé dans ce camp. La seconde aussi, du moins dans l’édition initiale de son livre. Car dans celle de 1988, elle en parlait, sans toutefois en apporter la moindre description, sans la moindre précision. Toutes deux étant très sollicitées par ailleurs, leur participation aux recherches de l’association avait dû être limitée. Leur présence en avait toutefois renforcé la crédibilité, et la possibilité de solliciter des subventions.

A côté d’elles, figuraient Joseph Rovan, professeur de langue et civilisation allemandes à l’Université de Paris ; Jean Gavard, inspecteur de l’administration de l’Education nationale ; Jean-Louis Crémieux-Brilhac, directeur de la Documentation française ; Renée Aubry, chef de cabinet du ministre des Anciens Combattants ; Pierre Vidal-Naquet, professeur honoraire de l’École Pratique des Hautes Études, présenté comme « auteur notamment d’une étude en réponse aux affirmations faurissonniennes » (sic) ; Augustn Girard, directeur du département Études et Recherches du ministère de la Culture.

On y trouvait également un ancien policier, Jacques Delarue, commissaire divisionnaire honoraire au ministère de l’Intérieur, sans doute utile pour accéder à certains dossiers confidentiels ; et aussi un écrivain, Jean-Pierre Faye, probablement destiné à rédiger et publier les résultats des recherches de l’association ; et même un avocat, Bernard Jouanneau, peut-être jugé apte à affronter les sceptiques de l’école révisionniste, car il avait déjà plaidé contre Robert Faurisson.

Deux autres participants étaient présentés comme particulièrement compétents en la matière : Serge Choumoff, ingénieur en retraite, désigné comme « auteur d’un ouvrage sur la chambre à gaz de Mauthausen », camp où il avait été interné ; Georges Wellers, maître de recherches honoraire au CNRS et ancien déporté à Auschwitz, « auteur d’ouvrages sur Auschwitz et sur les gazages en général ». Aucun d’eux n’ayant, dans leurs écrits, produit de preuves de l’existence desdites chambres à gaz, peut-être entendaient-ils se rattraper avec l’ASSAG…

Toutes les conditions semblaient en tout cas avoir été réunies pour que cette petite équipe rassemble rapidement, contrôle et rende publiques des preuves de l’existence et du fonctionnement des chambres à gaz en question. Comme, par surcroît, elle n’avait convié aucun représentant de l’école révisionniste à adhérer à l’association, elle avait pu travailler en toute sérénité.

Pour quel résultat ?

A ma grande surprise, j’eus beau chercher des semaines et des semaines durant le fruit des travaux de l’association, scruter les organes de presse auxquels ses initiateurs collaboraient, questionner çà et là, interroger plusieurs sites internet, ce fut toujours en vain : en 2015, plus de trente ans après sa création, impossible de trouver trace auprès d’elle non seulement des preuves manquantes, mais aussi de recherches personnelles menées par des membres de l’ASSAG sur les chambres à gaz.

Ceux d’entre eux qui, par leurs ouvrages, s’en étaient fait une spécialité, Serge Choumoff et Georges Wellers, n’avaient-ils pu apporter des précisions sur ce dont ils avaient témoigné ? On aurait attendu d’eux qu’ils localisent les chambres à gaz évoquées dans leurs écrits (il existe des photographies aériennes de leur camp) ; qu’ils en représentent les installations, même à l’aide de croquis sommaires ; qu’ils en détaillent le fonctionnement, la fréquence et les modalités de l’utilisation ; qu’ils expliquent la sélection des détenus promis à y entrer, la façon dont on les y conduisait, dont on les empêchait de s’y soustraire ; ainsi que la durée du supplice, la ventilation consécutive des locaux et les dispositions adoptées pour que le vent ne rabatte pas le gaz sur l’environnement proche ; qu’ils décrivent l’évacuation des cadavres, les précautions prises par les gardiens pour ne pas risquer d’être eux-mêmes asphyxiés – tous « éléments de preuve » que l’association s’était précisément donné mission de réunir, contrôler et publier.

En outre, nos deux auteurs auraient pu s’interroger sur le choix des responsables allemands de procéder à des exécutions massives de détenus par l’emploi d’un dispositif si complexe, si coûteux, si lent à agir et si dangereux pour l’entourage. Une simple balle dans la nuque aurait suffi, pratique, rapide, efficace et économique adoptée vers la même époque par les bolcheviks à Katyn et ailleurs en URSS, plus tard par les maoïstes en Chine continentale, par les Khmers rouges au Cambodge, par les communistes du monde entier pour perpétrer leurs tueries de masse. Pourquoi, en effet, de dangereuses et dispendieuses chambres à gaz dans une Allemagne encore appauvrie par la guerre ?

Trente-trois ans après sa création, l’ASSAG paraissait donc n’avoir rien trouvé, rien contrôlé, rien publié. Etait-il possible qu’une association si prometteuse pour éclairer un point important de l’histoire contemporaine eût à ce point fait chou blanc ?

Mais si elle n’avait jusqu’ici rien trouvé, peut-être continuait-elle ses recherches, avec de nouveaux collaborateurs pour remplacer les disparus. Ne devait-elle pas subsister, selon l’article 2 de ses statuts, jusqu’à « la réalisation de son objet » ?

La Préfecture de Police de Paris, consultée, certifia que l’association n’avait pas été déclarée dissoute. Comme son siège, 7 place Pinel dans le 13è arrondissement de Paris, n’avait pas davantage été changé, je lui adressai en octobre une demande de renseignement. Ma lettre resta sans réponse. Le 17 novembre, je l’envoyai à nouveau, en recommandé avec avis de réception. Mais deux envois me revinrent avec la mention : « destinataire inconnu à cette adresse ». Je me rendis sur place, consultai les boîtes aux lettres, interrogeai le voisinage, sans davantage de succès. L’ASSAG avait-elle cessé d’exister sans le dire, pour que son échec ne se sache pas ?

Au début de la nouvelle année, j’appris qu’Anise Postel-Vinay, trésorière de l’ASSAG selon la déclaration de celle-ci à la Préfecture de Police, venait de publier aux Éditions Grasset un ouvrage intitulé Vivre. Le 12 février, je lui écrivis, par l’intermédiaire de son éditeur, pour lui demander si l’association existait toujours, si elle avait publié le résultat de ses recherches sur les chambres à gaz et dans l’affirmative, si je pourrais en prendre connaissance.

Je reçus d’elle, le 24, une longue lettre manuscrite m’expliquant, entre autres considérations, que l’ASSAG était « dissoute depuis quelques années », qu’elle avait été fondée « lorsque le Professeur Faurisson s’est mis à proclamer, dans les années 1970, que les chambres à gaz allemandes n’avaient jamais existé » ; que « l’ASSAG a participé aux luttes contre les ‘révisionnistes’ en France (affaire Roques), en Suisse (affaire Paschoud) et au Canada (affaire Zündel) »… Elle ajoutait : « personnellement j’ai surtout suivi les crimes des médecins SS dans tous les camps »…

A propos des chambres à gaz d’exécution, ma correspondante expliquait : « nous avons décidé de réunir une ‘Dokumentation’ sur ce crime de masse très spécial de l’Allemagne national-socialiste ». Elle négligeait toutefois d’indiquer la nature de la documentation réunie (mis à part l’ouvrage allemand cité plus haut, Chambres à gaz, secret d’État, au demeurant dénué lui aussi de toute preuve). Elle ne mentionnait pas davantage que l’ASSAG se serait livrée elle-même à une « étude des assassinats par gaz sous le régime national-socialiste », pourtant objet unique de l’association selon ses statuts.

L’idée me vint toutefois que si l’ASSAG s’était dissoute alors qu’elle devait subsister jusqu’à « la réalisation de son objet », c’était peut-être parce qu’elle aurait trouvé à ce sujet des « éléments de preuve » dont Anise Postel-Vinay aurait négligé de me faire part. Je lui répondis aussitôt :


  • Chère madame,

    Je vous remercie vivement de la lettre très détaillée que vous m’avez adressée en réponse à mon courrier du 12. Mais j’ai beau la lire et la lire, je ne trouve rien qui corresponde à l’objectif visé par l’ASSAG et qui figure dans ses statuts, à savoir « rechercher et contrôler les éléments apportant la preuve de l’utilisation de gaz toxiques par les responsables du régime national-socialiste en Europe pour tuer des personnes de différentes nationalités ; contribuer à la publication de ces éléments de preuve… »

    Or, c’est sur ce sujet-là que porte ma recherche. Et comme c’était la raison d’être de l’ASSAG, je pensais trouver dans le résultat des recherches de celle-ci les preuves ou éléments de preuves qui me manquent. Excusez-moi d’insister, mais peut-être pourrirez-vous compléter votre lettre sur ce point ?

    Veuillez agréer, chère Madame, l’expression de mes sentiments distingués
    .


Les jours passèrent, et les semaines, ma seconde lettre demeura sans réponse. Un ami qui effectuait vers la même époque des recherches à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) de Paris, m’apprit qu’en 2012, Anise Postel-Vinay y avait déposé cinq cartons d’archives. Une notice les accompagnait, probablement écrite se sa main, indiquant que l’ASSAG, « en 2008, a fait le choix de s’auto-dissoudre » et que lesdites archives témoignaient de l’ « intense activité éditoriale qui constituaient le cœur des activités de l’association ».

Et si là se trouvaient les « éléments de preuve » découverts par l’ASSAG et justifiant sa dissolution ? Je brûlais naturellement de le vérifier. Et aussi de savoir pourquoi elle ne les avait pas rendus publics, comme ses statuts le lui assignaient.

Toutefois, cette documentation, disait encore la notice, était « consultable sur dérogation », après autorisation. Comme Anise Postel-Vinay avait omis de m’informer du dépôt de ces cartons et ne répondait toujours pas à ma deuxième lettre, je doutai qu’elle m’autorisât à les consulter. A force d’insistance, j’obtins qu’une personne sur place m’en détaille le contenu : des livres en français, allemand, anglais et italien ; des coupures de presse en différentes langues, accompagnées parfois de traductions en français ; des dossiers relatifs aux écrits de chercheurs révisionnistes et à plusieurs de leurs procès en France et dans divers autres pays ; des comptes rendus de réunions ; des correspondances relatives à la traduction et à la diffusion en France d’ouvrages étrangers.

Mais d’analyses et de confrontations de témoignages relatifs aux chambres à gaz, de consultation de spécialistes des gaz asphyxiants, d’examens d’archives administratives allemandes, d’expertises et de missions d’études conduites dans des camps censés avoir comporté des chambres à gaz homicides, bref, de recherches à caractère scientifique correspondant à l’objectif de l’association, point. Rien de cela dans les cartons.

En revanche, s’y trouvait aussi une volumineuse correspondance avec des associations d’anciens déportés susceptibles d’apporter des appuis à l’ASSAG. Ainsi que de multiples demandes de subventions adressées au ministère des Anciens combattants, au CNRS, à diverses institutions françaises, européennes et internationales – demandes souvent couronnées de succès, peut-être en raison des hautes fonctions et de la notoriété de certains membres de l’ASSAG, telle la nièce du général De Gaulle.

Cet inventaire acheva de me rendre à l’évidence : après trente années, l’association non seulement avait échoué, mais n’avait pu continuer à attester par son existence qu’il était possible de prouver l’existence des chambres à gaz d’exécution litigieuses. Ses responsables s’étaient donc résolus à la faire disparaître. En se gardant toutefois de l’annoncer ouvertement, en catimini, sans même le déclarer à la Préfecture de Police. Ainsi n’avaient-ils pas eu à reconnaître que, tout spécialistes qu’ils se prétendaient être, ils n’avaient pu découvrir d’ « éléments apportant la preuve [d’]assassinats de masse par gaz sous le régime national-socialiste », comme le prévoyaient les statuts de l’association.

Germaine Tillion et Geneviève Anthonioz-De Gaulle, gratifiées en 2015 des honneurs du Panthéon, avaient-elles, avant de fermer les yeux, pris conscience du fiasco dans lequel on les avait fourvoyées ? Et de la justification ainsi apportée aux conclusion des chercheurs de l’école révisionniste ?

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