“Régime de Vichy” : le Mémorial de la Shoah pourrait ne plus utiliser l'expression, le maire Frédéric Aguilera soulagé


Le Mémorial de la Shoah, à Paris, envisage de ne plus utiliser l'expression "régime de Vichy", sur demande du maire (LR) de la commune de l'Allier, Frédéric Aguilera. L'élu estime que l'appellation est "une erreur qui nuit à la fois à la ville de Vichy comme au devoir de mémoire".

09/02/2020

Qu'évoque Vichy pour vous ? Spontanément, le non-Auvergnat associe la ville auvergnate aux thermes, aux fameuses pastilles... mais aussi à la période de la Seconde Guerre mondiale où elle fut désignée comme capitale éphémère de l'État français (1940-1944) qui collabora avec l'Allemagne nazie. Un pan sombre de l'histoire de France bien souvent résumé, dans les discours ou les écrits, par l'expression "régime de Vichy".

Cette formule a le don d'ulcérer Frédéric Aguiléra, le maire (LR) de la commune de l'Allier. "C'est insupportable de voir l'histoire de Vichy, vieille de 2 000 ans, résumée à ces quatre années. Dès septembre 1944 et sa première délibération, le conseil municipal a acté qu'il ne fallait plus utiliser l'expression « régime de Vichy »" rappelle l'élu, qui n'hésite pas à envoyer courrier et tweets aux malheureux qui auraient encore recours à l'expression. Le président de la République Emmanuel Macron en a même fait les frais en août 2019.

Un préjudice à la mémoire et à la ville

Frédéric Aguiléra peut néanmoins sourire. Dans un courrier à la mairie reçu fin janvier, le directeur du Mémorial de la Shoah à Paris a répondu à sa requête en annonçant qu'il comptait faire disparaître le "régime de Vichy" dans son institution. Après validation de son comité scientifique, la sémantique pourrait être remplacée par "régime de Pétain" sur les plaques et le site internet du mémorial.

Pour l'élu, c'est loin d'être un détail. "Parler de « régime de Vichy » pose problème au niveau du devoir de mémoire : elle permet à l'État de se dédouaner de ses actes pendant la guerre [l'État français avait alors collaboré avec l'Allemagne en contribuant notamment au service du travail obligatoire (STO) et aux déportations, NDLR]. On a ainsi l'impression que tout ceci est la responsabilité d'une ville d'Auvergne, dont le rôle était seulement d'accueillir le gouvernement de l'époque," assène-t-il.

Frédéric Aguiléra, maire (LR) de Vichy

Et puis ce "régime de Vichy" ferait grincer les dents des habitants. "Ce n'est jamais agréable d'être associé à une idéologie d'extrême-droite. Des villes comme Drancy [qui a accueilli un camp de déportation, NDLR] ont été victimes de la guerre. Nous, dans les consciences, nous avons hérité d'un rôle de bourreau. Quand on est Vichyssois, on a le sentiment d'avoir Pétain en nom de famille," assure le maire, qui se présente à sa succession aux municipales de mars.

Fin janvier, il a même interdit in extremis la tenue d'un banquet de négationnistes qui se réunissaient en l'honneur de Robert Faurisson, célèbre pour remettre en cause l'existence d'un génocide juif. L'homme est décédé en 2018... à Vichy. "À son décès, des médias m'ont contacté pour me demander de réagir. Mais je n'ai rien à voir avec lui ! La ville non plus, il avait juste décidé d'y passer ses derniers jours," s'exaspère Frédéric Aguiléra.

Responsabilité de l'État français

Tout comme le Mémorial de la Shoah, celui de Yad Vashem, par la voix du président de son comité français Pierre-François Weil, pourrait lui aussi effacer "Vichy" de ses murs. Récemment, la Ville d'Aix-en-Provence a elle aussi consenti à remplacer sa plaque commémorative mentionnant comme responsable la ville thermale.

Pour le maire bourbonnais, ce lent changement doit être soutenu par le chef de l'État, comme Jacques Chirac lors de son discours du Vel-d'Hiv en 1995. "Contrairement à ses prédécesseurs, la sémantique d'Emmanuel Macron n'a pas évolué, et il continue, dans ses discours, de parler de « Vichy et les nazis » pour parler des responsables de la déportation. Mes arguments ont néanmoins été pris en note par ses conseillers, qui m'ont reçu, confie Frédéric Aguiléra. Remplacer cette expression permettrait de rappeler que nos institutions, bien que démocratiques, peuvent être faillibles."

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