Le Pen et Faurisson, le rendez-vous manqué


10 novembre 2020

Le Pen a-t-il sérieusement songé à faire « exploser le système » en utilisant les travaux des révisionnistes ? En fait, il semble bien qu’il ait fait plus qu’y songer, il aurait été jusqu’à organiser une petite conférence clandestine avec eux. Il serait pratique de donner à cette conférence le nom du lieu où elle s’est déroulée, mais pour l’instant, on s’en passera, il faut simplement noter que ce n’était pas chez Le Pen et que Le Pen n’y était pas personnellement présent : sans doute par prudence, voire, du fait d’une certaine réserve quant à l’opportunité de la démarche, il a préféré envoyer, de nuit, trois émissaires.



Robert Faurisson

L’émissaire principal, que nous désignerons par P.GP, interrogé récemment au sujet de cette conférence, n’a pas nié son existence, mais s’en est distancié en déclarant que Le Pen avait tendance à le prendre pour son coursier personnel. Comprendre par-là que si d’une manière générale il jouait le rôle de coursier de Le Pen c’était encore plus le cas en la circonstance : manifestement, P.GP n’était pas particulièrement convaincu et enchanté par la mission.

Côté révisionniste, bondissant sur l’occasion qui lui était offerte de donner une portée pratique retentissante aux résultats de ses recherches, il y avait le professeur Robert Faurisson en personne.

Mais cette réunion n’a rien donné, elle fut un échec.

Robert Faurisson était un expert, et comme tous les experts, il aurait dû être cadré politiquement : qu’est-ce qu’on peut dire et ne peut pas dire, où veut-on en venir. Mais on a vu que le décideur, Jean-Marie Le Pen, n’était pas là et que son émissaire principal se considérait comme un simple coursier. Dans ces conditions, la nuit s’est passée à tourner et retourner dans tous les sens le texte d’un communiqué dont personne n’a conservé copie et dont chaque mot devait avoir été soigneusement pesé dans un souci de précision et d’exactitude propre à satisfaire aux exigences universitaires de l’historien révisionniste, mais sans le moindre intérêt exploitable pour un politique.


Mais il y avait une deuxième raison à cet échec, encore plus rédhibitoire : ce n’est pas Robert Faurisson qui détenait l’argument révisionniste politiquement utilisable, mais Robert Butz.

La phrase de Robert Faurisson c’est en substance :

« Il n’y a jamais eu de camp de concentration équipé de chambre à gaz homicide.»
C’est une phrase extrêmement dangereuse et risquée, sans même parler pénalement, placez-vous simplement au milieu de la rue et prononcez-la, vos chances de survie ne sont pas énormes.

Et puis, c’est une phrase négative, ça, ce n’est pas bon : depuis le Moyen Âge on apprend dans les écoles de logique que la forme affirmative a intrinsèquement une valeur supérieure à la forme négative. Lors d’un reportage qu’il lui avait consacré, Canal+ n’a d’ailleurs eu aucun mal à couper cette négative en sorte que le téléspectateur entendait seulement le professeur déclarer que : « Il n’y avait jamais eu de camp de concentration ». Proposition absurde, surtout venant de celui qui avait été un des premiers à visiter ces camps, du temps où ils étaient derrière le rideau de fer, mais quand on veut faire de la politique, c’est justement le genre de chose auquel on se doit de penser.

La phrase de l’autre Robert, Robert Butz, c’était :

« Auschwitz était un centre industriel pétrochimique destiné à la production de caoutchouc et d’essence synthétique ».
Là c’est une proposition affirmative, même réduite à « Auschwitz était un centre industriel pétrochimique » elle conserve encore un sens dévastateur, par simple effet relativiste, en venant ajouter un Auschwitz « centre pétrochimique » au Auschwitz « chambre à gaz ». Elle fait jouer à fond la première de toutes les lois de la communication : « lorsque je commence une phrase par « A », non seulement j’affirme « A », mais je rejette la présence à cette première place de toutes les autres lettres de l’alphabet, « B », « C » … « Z ».

Encore faut-il placer en position « A » un énoncé qui en vaille la peine, or, justement, la phrase de Butz est porteuse d’une évidence propre à attirer l’attention et à perturber la vision classique que nous avons d’Auschwitz: l’Allemagne devait fabriquer artificiellement tout son caoutchouc et la majeure partie de son essence, et ce, dans les quantités massives requises pour alimenter un choc de titans contre trois superpuissances, l’URSS, l’Angleterre et les USA.

Avec Butz, le « Auschwitz chambre à gaz » était menacé de perdre le monopole de l’histoire, tandis que la phrase de Faurisson a paradoxalement plutôt tendance à le maintenir.

Il faut enfin remarquer que la phrase de Butz parle de production de pétrole et de caoutchouc : des sujets quand même plus maniables que des horreurs telles que le typhus, le Zyklon B, les douches, les crématoires, les fosses …

Il n’était donc pas impossible de tirer quelque chose d’une telle réunion, seulement, au lieu d’un coursier, il aurait fallu qu’elle soit pilotée par quelqu’un du calibre de François Duprat. François Duprat, c’était l’éminence grise de Jean-Marie Le Pen, il se passionnait pour la littérature révisionniste naissante, il en voyait parfaitement l’énorme potentiel politiquement explosif et était particulièrement désireux de faire sauter ce « système » qui entraînait la France dans une course à l’abîme.



François Duprat

Lui aurait su faire le tri entre l’affirmative de Butz et la négative de Faurisson, lui aurait su convaincre Le Pen. Mais François Duprat n’aura jamais pu jouer ce rôle de pivot entre les chercheurs révisionnistes et le monde politique, comme on sait, ce n’est pas le système qui a sauté, mais lui, le 18 mars 1978, dans l’explosion de sa voiture piégée.

Il n’est pas impossible que l’attentat visait précisément à l’empêcher de jouer ce rôle de pivot, après tout, il faut bien une raison valable à cet attentat, et si c’est bien pour cette raison, cela montrerait deux choses : premièrement que la Shoah est bien le cœur de notre système politique, et, deuxièmement, qu’elle a quelque chose à craindre des révisionnistes.

Jean-Marie le Pen est né en 1928, Robert Faurisson l’année suivante, le 25 janvier, le Front National et le révisionnisme sont tous deux nés dans les années soixante-dix et ont grandi ensemble la décennie suivante, tout ceci n’est sûrement pas dû aux hasards de l’histoire mais à son fil même. Jean-Marie et Robert avaient des personnalités très différentes, jamais Robert n’aurait pu tenir une foule à bout de bras debout sur une estrade, jamais Jean-Marie n’aurait pu éplucher des milliers de pages de documents, des différences sans doute trop importantes pour permettre une collaboration directe, un François Duprat aurait décidément été bien utile.

Mais avec leurs différences, Le Pen et Faurisson, Duprat aussi évidemment, ont fait montre d’une ambition commune : défendre la France et l’Occident. Il est vraiment étrange de penser aujourd’hui que le Rassemblement National soit sorti de cette mouvance, il est peu probable que ses dirigeants actuels reconnaissent avec gratitude leur dette à leur égard, pas de danger non plus qu’ils se lèvent un jour pour demander la vérité sur l’attentat dont a été victime François Duprat.

Francis Goumain



Pour aller plus loin :

Le Pen, Duprat, la face cachée du détail

13 septembre 1987 : déclaration de JMLP sur la Shoah

https://jeune-nation.com/kultur/hist...ez-vous-manque